Hygiène sexuelle et mesures antihomosexuelles

Dès 1928, le parti nazi a défini sa position sur l'homosexualité. Hans Perter Bleuel rapporte dans son livre "La Morale des Seigneurs" (Editions Belfont) plusieurs mesures prises par le régime nazi : l'interdiction de toute activité publique de la Fédération des Droits de l'Homme qui s'était faite le porte-parole de la minorité homosexuelle et, à l'automne 34, le fichage systématique des homosexuels connus. La voie était ouverte à la dénonciation et à l'arbitraire.

En 1936, le 11 novembre,en référence à la Nuit des longs couteaux, Hitler affirme dans une allocution sur les dangers racio-biologiques de l'homosexualité que, lorsqu'ils se sont présentés, "nous n'avons pas hésité à abattre cette peste par la mort, même entre nous". Le 26 janvier 1938, Goebbels attaquant l'immoralité de l'Eglise catholique déclare : "En 1934, des personnes qui voulaient faire dans le parti ce qui se fait dans les couvents ou entre prêtres, c'est à dire répandre cette immoralité à l'intérieur, furent tuées... Comme nous devrions être reconnaissants au Führer d'avoir extirpé cette peste !" Et Hitler d'ajouter, le 30 janvier 1939, "il y a cinq ans, quelques membres du parti se souillèrent de fautes infamantes et pour leurs crimes ils furent fusillés."

L'utilisation du fameux paragraphe 175 avait causé quelques torts mais rien de comparable avec les condamnations qui suivirent l'arrivée au pouvoir des nazis et l'affaire Röhm. En 1933, on dénombre 835 victimes de son application. En 1934 - après l'affaire Röhm - 948, 5321 en 1936 et 24 450 en 1939, qui allèrent en camp de concentration. Les condamnations légales vont baisser dans les années qui suivent, non par libéralisme mais par changement de méthodes - plus expéditives. Himmler, réorganisateur de la Gestapo, qui les employait avant guerre les "perfectionna" dans son ministère. L'exécution des "dégénérés" toucha aussi l'armée sans autre forme de procès.

Le terrain avait été préparé par les idéologues nazis - secondés par les attaques venues d'URSS. R. Diels, fondateur de la Gestapo, rapporte dans ses mémoires qu'Hitler voyait la vraie cause de la décadence de la Grèce antique dans la pédérastie. Le docteur Rudolf Klare, voix officielle du parti nazi pour les affaires homosexuelles, rappelle dans son livre "Homosexualité et Droit Pénal" que "les dégénérés doivent être éliminés pour la pureté de la race". Il réclamera par ailleurs une maison de correction pour les lesbiennes. Dans "Les Homosexualités et le Châtiment", il précise aussi que "seule une sévérité impitoyable peut amener la pureté". Hans Franck, le responsable de la Justice, déclarait : "Il convient d'attacher une attention particulière à l'homosexualité qui est l'opposé même de la communauté nationale normale. L'homosexuel incarne la négation de la communauté, le contraire de ce qu'elle doit être pour perpétuer l'espèce. Il est clair que l'homosexuel ne peut mériter la clémence."

En septembre 1935, un an après l'assassinat de Röhm, les lois de Nuremberg vont "protéger la nation allemande jusqu'à la fin des temps" en préservant le sang allemand de toute contamination. La "loi de protection du sang et de l'honneur allemands" punit y compris l'intention homosexuelle. Ce paragraphe 175 élargi ne sera supprimé en Allemagne qu'en... 1964. On comprend peut-être mieux le peu de témoignages des Triangles Roses qui, persécutés sous les nazis, seront encore interdits après la Libération par les Alliés...

La répression anti-homosexuelle s'inscrit dans le cadre général de l'idéologie nazie, symbolisée par le slogan : "Eglise-Cuisine-Enfants". Le livre "Hygiène Sexuelle" de Max von Grüber, voix autorisée du nazisme, est révélateur de la volonté hétérosexuelle du fascisme. Dès 1927, il condamnait l'homosexualité, la masturbation et écrivait que "les rapports sexuels prenaient place dans le mariage... Le but du mariage est la procréation des enfants et leur éducation. La croissance de la nation exige du mariage de produire au moins quatre enfants". Sous son influence, rapporte encore Rictor Norton, 41 centres de recyclage préparaient 215 000 professeurs à la propagation de ses théories, utilisant comme abécédaire le livre "Hygiène Raciale". Dans la même optique, une série de mesures furent prises par le régime nazi, en particulier les "crédits matrimoniaux"; on créa des fermes d'élevage, véritables haras humains, les "fontaines de vie", usines à produire de purs aryens (13 en 1944). Gertrude Scholtsklik, présidente de l'association des femmes, déclarait : "La femme allemande doit être telle qu'elle fait, et fait joyeusement, tout ce qu'il lui est demandé de faire".

Source : Histoire d'un génocide oublié, Jean-Pierre Joecker, Editions Persona, Paris, 1980.

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